Au Venezuela, l’“horaire mosaïque” des enseignants “menace l’avenir des enfants”

Dans ce pays en crise, les professeurs peuvent ne donner cours que deux ou trois jours par semaine, avec des horaires variables. Cela leur permet de cumuler plusieurs emplois pour compenser les très faibles salaires qu’ils perçoivent.
Au Venezuela, la plupart des enseignants du public ne donnent cours que deux à trois fois par semaine. Les très faibles salaires, le manque d’infrastructures et les problèmes de transport, récurrents dans ce pays en crise, ont poussé le secteur éducatif à mettre en place, pour la troisième année consécutive, un “horaire mosaïque” leur permettant de compenser le manque à gagner en cumulant les emplois, explique le média Efecto Cocuyo.
“Mais ses conséquences menacent gravement la qualité de l’éducation et l’avenir des enfants et des jeunes”.
Car “la réduction drastique des jours et des heures de classe limite le temps d’apprentissage, affecte le suivi du programme national et encourage un enseignement superficiel, axé sur la mémorisation plutôt que sur une compréhension approfondie”. Ce qui a un impact sur le système éducatif et tout particulièrement sur les élèves les plus défavorisés, qui ne peuvent pas se payer de cours particuliers et ne bénéficient parfois à l’école que d’un seul jour de cours par semaine. De quoi creuser le fossé avec le privé.
Résultat : les écoles se vident de leurs enseignants et des élèves, dont une partie fait grossir les rangs des plus de 7,7 millions de Vénézuéliens qui ont fui la crise attribuée à la nationalisation de l’économie, à la corruption et aux sanctions américaines.
Une étude menée par l’université catholique Andrés-Bello a d’ailleurs montré une baisse préoccupante du niveau scolaire des élèves des collèges et lycées de Caracas et de 6 des 23 États du pays, précise un autre article d’Efecto Cocuyo. Plus de 70 % des étudiants ont échoué aux tests de mathématiques, d’expression orale et de compréhension écrite. Avec un léger avantage pour ceux des établissements privés. “Mais la crise est généralisée”, selon le site d’information.
Difficile cependant d’en tenir rigueur aux enseignants. “Avec l’argent qu’elle reçoit tous les quinze jours, Belkis Bolívar parvient à peine à acheter une boîte d’œufs. Rien de plus. Ou alors tout juste le prix de l’essence pour aller au collège”, décrit la BBC Mundo, qui précise que 200 000 professeurs ont déserté au cours des dernières années.
Enseignante en école primaire avec trente ans d’expérience, Belkis gagne moins de 10 dollars (environ 8,9 euros) par mois. Au Venezuela, le salaire moyen des professeurs est de 21,57 dollars (environ 19,1 euros) mensuels et le panier alimentaire d’une famille s’élève à plus de 535 dollars (475 euros) par mois. Elle est contrainte de vendre des hot dogs, en plus de donner des cours particuliers de français.
D’autres font des manucures, sont surveillants ou vendeurs à la sauvette, ajoute Crónica Uno.
Face aux difficultés économiques, dans ce pays dollarisé de facto, beaucoup espéraient une augmentation du salaire minimum le 1ᵉʳ mai. Mais le gouvernement de Nicolás Maduro, dont la réélection en juillet 2024 est contestée par l’opposition et de nombreux pays, a simplement annoncé une hausse de la prime de “guerre” économique octroyée chaque mois, de 90 à 120 dollars (80 à 106 euros environ). De quoi faire passer le revenu minimum pour les employés du secteur public à 160 dollars (environ 142 euros) mensuels selon le président vénézuélien, qui justifie ces mesures par les nouvelles sanctions imposées par l’administration de Donald Trump sur le pétrole du pays, relève le journal El Nacional.
Courrier International